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La rentrée scolaire et le quotidien El watan

Huit millions d’élèves regagnent les écoles : Ils seront encore plus de 40 par classe

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le 09.09.12 | 10h00 7 réactions

 

Rares sont les enseignants qui s’adonnent à la lecture et à la recherche. Les éducateurs lient le suicide des adolescents à la surcharge des programmes. A défaut de leur assurer la formation à la maison, les enseignants payent des cours à leurs enfants. L’enseignant consacre 10 à 15 minutes par séance pour instaurer la discipline. 40% des établissements auront des classes de 45 élèves.

Je ne le souhaite pas. Mais cette année sera celle des élèves», avertit le porte-parole du Syndicat autonome des travailleurs de l’éducation et de la formation (Satef). Surcharge des classes, manque d’encadrement et retard dans l’acheminement des livres scolaires. C’est ainsi que s’est faite la préparation pour l’année scolaire 2012-2013. Cette dernière s’annonce difficile pour les enseignants, qui auront à gérer des classes dépassant 40 élèves.

D’après l’estimation du Conseil des lycées d’Algérie, 40% des établissements vont travailler avec des classes de 45 élèves au minimum, tandis que 40% autres auront affaire à des classes de 38 à 45 élèves. Pour les 20% restants, la moyenne d’élèves par classe se situera entre 30 et 38 élèves. La norme, faut-il le souligner, est de 20 à 25 élèves par classe.
Plusieurs raisons sont évoquées pour expliquer cette surcharge historique.

D’après le CLA, 200 établissements sont concernés par l’opération de rénovation. A la veille de la rentée scolaire, les travaux sont toujours en cours. «Les entreprises vont continuer à travailler en même temps que les cours se déroulent», tracasserie de plus pour les enseignants et leurs élèves qui auront à supporter le bruit dû aux travaux. «Les classes de première année secondaire sont archipleines cette année», s’inquiètent les enseignants. Pour rappel, le CLA a déjà mis en garde contre cette situation, en juin dernier. «Nous n’accepterons aucune nouvelle inscription en première année secondaire», lit-on sur une affiche collée à l’entrée du lycée Hassiba Ben Bouali, à Kouba. L’affichage concerne toutes les filières. «C’est gérer l’ingérable. Le moindre bruit est amplifié par 40… élèves», avouent certains enseignants. «Nous allons œuvrer pour limiter les dégâts. Le cours risque d’être à chaque fois suspendu pour imposer la discipline», s’engagent d’autres.

Les dégâts qui découlent de la surcharge des classes sont nombreux. «C’est très difficile de gérer une classe de première année secondaire qui dépasse 40 élèves, d’autant plus que ces derniers sont turbulents. Moi, personnellement, j’ai un problème avec une classe qui dépasse 30 élèves», avoue Hassan Chérif, professeur de physique exerçant dans l’un des lycées de la circonscription d’Hussein Dey. Cet enseignant, qui souffre d’une extinction de voix, estime qu’une classe ne doit pas dépasser 25 élèves. Mais sur le terrain, la réalité est autre. «Les premiers mois de l’année scolaire, mes élèves de première année  me disaient qu’ils n’entendent rien. C’est vers la fin du premier trimestre qu’ils se rendent compte de la nécessité d’avoir la discipline en classe», raconte Hassan Chérif. Ce dernier énumère les inconvénients de la surcharge.


«On ne donne que 70% du cours»


«Les élèves perdent 10 à 15 minutes par séance», souligne l’enseignant. «Plus il y a d’élèves, plus le cours met du temps à commencer», souligne le professeur de physique. De plus, «la surcharge cause un grand encombrement dans les couloirs. Et c’est à ce moment-là que les élèves font du chahut», constate l’enseignant. Par conséquent, la rentrée des cours est retardée. A ce retard s’ajoutent les 15 minutes perdues pour instaurer la discipline. Que reste-t-il du temps consacré au cours ? «On ne donne que 70% du cours. Certains objectifs ne sont pas atteints», avoue l’enseignant, qui signale des difficultés au niveau de la transition des élèves d’un cycle à un autre. «Les élèves ne sont pas préparés psychologiquement pour suivre convenablement leurs études au lycée», alerte Hassane Chérif. Pour Lamine, enseignant de langue française, les élèves ne croient plus à l’effort.

Ils préfèrent le copiage, même lorsqu’il s’agit de l’année d’examen, comme le bac. «Certains enseignants laissent faire, car ils ont peur de la vengeance. Ils ont peur d’être agressés par leurs élèves. C’est l’impunité la plus totale. Il y a des élèves qui ont des liens avec des voyous», reconnaît avec amertume Lamine qui se souvient d’une classe qu’il a eue durant la fin des années 1980. «J’ai enseigné dans une zone semi-urbaine, à savoir Bordj Menaïel. C’était excellent. Une fois, j’ai quitté la salle en plein examen. Le directeur est venu me faire des reproches, alors je lui ai demandé de jeter un coup d’œil sur la classe avant de me juger», raconte Lamine. C’était de l’angle de la fenêtre que le directeur surveillait pendant un moment le comportement de mes élèves. Ce dernier s’est rendu compte de la confiance qui s’est tissée entre Lamine et ses élèves. «Les élèves étaient tous penchés sur leur sujet. Aucun geste et aucune tentative de triche. C’est une classe qui m’a marqué. Ce sont tous les élèves de la classe qui ont eu leur bac», se souvient Lamine avec fierté.

 
Approche par compétences


Depuis ces années-là, «l’école a subi une dégradation flagrante», constate cet enseignant qui exerce depuis 27 ans dans l’éducation. Ce dernier, qui revient sur les modalités d’application de l’approche par compétence, rappelle que cette approche «exige une classe de 15 élèves maximum». «Cette approche «ne sert qu’à imposer à l’élève des devoirs et à l’enseignant des corrections», considère cet enseignant de langue.

Ce dernier n’a pas manqué d’alerter sur les cas de suicide des adolescents qu’il lie directement à la surcharge des programmes scolaires et leur complication. «La chose la plus grave, c’est qu’il y a beaucoup de cas de suicide, notamment des collégiens. Je confirme qu’il y a un lien entre le stress de l’élève et cette surcharge (des programmes, ndlr) ajoutée au contrôle des parents. Les enseignants que la tutelle n’a pas consultés lors de l’élaboration des programmes et la fixation des horaires… expriment leur vision dès que les conditions le permettent. Imposer des cours matin et soir est une atteinte à l’équilibre de l’adolescent», estime le professeur de physique exerçant depuis 20 ans. Son collègue a mis en garde contre la profusion de matières, dont l’impact s’avère de plus en plus négatif sur le rendement de l’apprenant. Ce dernier propose, à titre d’exemple, la suppression de l’éducation religieuse en tant que matière à part entière et son intégration dans l’enseignement des langues. «Je ne suis pas contre l’enseignement de la théologie, mais cela peut se faire à travers l’enseignement des langues.

Cela permet d’épargner à l’élève une matière. C’est ainsi que se fait la réduction des matières», suggère ce professeur de français. Ce dernier insiste sur le fait qu’il n’y a aucune honte à revoir les réformes en s’appuyant sur un travail de terrain. Cet enseignant de langue appelle à la consultation des élèves, de leurs parents et des enseignants.


De la classe à la famille


Une fois à la maison, l’enseignant ne peut plus assurer la moindre formation à ses enfants. «Ma fille me reproche de l’avoir négligée», regrette une enseignante d’anglais, qui, dans la plupart des cas, se trouve incapable de refaire le cours à ses enfants. A défaut de pouvoir aider leurs enfants pour réviser leurs cours, la plupart des enseignants font appel à d’autres enseignants. «Je connais un professeur de mathématiques qui paie des cours à son fils», regrette M. Chérif, qui souhaite que ses enfants soient présents en classe lorsqu’il explique le cours. «C’est le cas de la plupart des enseignants», avoue son collègue.
Ce dernier déplore la situation à laquelle sont arrivés les enseignants : «La plupart des enfants ayant des parents enseignants sont exclus». «Les enseignants sont nerveux. Il suffit d’un rien pour qu’ils se mettent en colère. Tout ce qu’ils subissent en classe est déversé sur la famille», reconnaissent leurs proches.

 

La scolarisation avant 6 ans est «destructrice» :

 

C’est une fois arrivé au lycée que les conséquences de l’inscription de l’élève à l’âge de 5 ans se répercutent négativement sur l’élève. «Un élève inscrit à l’âge de 5 ans ne s’intéresse pas au cours lorsqu’il arrive au lycée. Tous les élèves que j’ai eus dans ce cas veulent jouer.

Ils s’intéressent peu au cours». «Indifférents et peu conscients», c’est ainsi que l’enseignant de physique qualifie cette catégorie d’élèves auxquels les parents croient faire gagner une année. Ces parents sont dans la plupart des cas des enseignants.

Hassan Chérif lance un appel à ses confrères et ses consœurs pour être prudents vis-à-vis de ces «privilèges» accordés aux enseignants. Qui a instauré ces faveurs ? Des responsables relevant sûrement du secteur pédagogique. Sont-ils au courant des préjudices qu’ils causent à l’enfant en lui volant son enfance ?

Par ailleurs, les enseignants acceptent cette «faveur» destructrice pour le psychisme de l’enfant, bien qu’ils soient à leur tour pédagogues et en mesure de constater après quelques années l’impact de la scolarisation précoce sur l’enfant. Cette pratique dure toujours. Ses dégâts aussi.   
 

 

Djedjiga Rahmani


10/09/2012
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