U P E W Alger

Réforme récurrente ou déstabilisation des élèves ? ...

Les dommages d’une pédagogie 

 

Puisqu’il y a débat sur la réforme du système scolaire, voici ce que retient une professeure des effets de l’introduction de l’approche par compétence (APC) dans le système scolaire national. Et de ses effets sur les élèves et les enseignants. La professeure, qui, depuis, a quitté une École, qui n’en était plus une, nous résume son expérience… instructive :
“Munie d’une licence d’enseignement du FLE (français langue étrangère) délivrée par un ILE, j’ai débuté ma carrière d’enseignante de français en 1988. (…) Tout s’est très bien passé jusqu’à ce que la tutelle introduise cette fameuse APC en 2008. 
Du jour au lendemain, on nous somme d’appliquer la nouvelle méthode et de jeter l’ancienne aux orties”. “Si je trouve l’un d’entre vous en train d’expliquer la leçon aux élèves comme cela se faisait auparavant, je le fais cesser sur place (sic)”, nous a dit, textuellement, l’inspecteur lors d’un séminaire. 

 

Je devais faire table rase de mon expérience et me reconvertir illico presto à l’APC. J’ai bien essayé, je me suis accrochée (…) mais je n’ai tenu que trois ans. 
Au séminaire de la rentrée scolaire 2008-2009, l’inspecteur nous impose l’APC, sans aucune formation préalable. Lors de ce premier séminaire, qui tenait lieu de première journée pédagogique sur le sujet, il entreprend de nous familiariser avec l’APC. Nous apprenons qu’il nous faudra dorénavant nous abstenir d’expliquer les leçons aux élèves. Au risque d’être sévèrement sanctionnés. “Il faut laisser l’élève aller seul à la rencontre du sens”, précisait-il.  
Facile à dire ! Mais la mise en pratique est une autre paire de manches ! Je m’y suis quand même attelée, sans trop de conviction. 
Séminaire-journée pédagogique de la rentrée 2009-2010 : on nous dit de ne plus donner de cours de syntaxe (grammaire) aux élèves et de ne consacrer que quelques minutes au point de grammaire de notre choix, sans le développer. On ne faisait plus d’orthographe ; on devait aussi se passer de la syntaxe ! 
Séminaire-journée pédagogique de la rentrée 2010-2011 : il ne faut plus interroger les élèves, cela risquerait de les mettre en position d’échec (les pôvres !). Il ne faut pas leur poser des questions auxquelles ils ne pourraient pas répondre ; cela saperait leur moral. Pour se conformer à l’APC et au lexique qui va avec, il faut s’adresser aux “apprenants” sans les brusquer, sans les interroger et sans les perturber. Les ménager et surtout ne pas les heurter avec des questions sur le cours.
Voici comment on en arrive insidieusement au règne de l’élève-roi ! D’année en année, le professeur voit sa marge de manœuvre diminuer, son autorité et son image décliner. Il passe alors plus de temps à faire de la discipline qu’à enseigner. 
De moins en moins convaincue des bienfaits de cette satanée APC, j’ai cependant tenu bon jusque-là.
Rentrée scolaire 2011/2012 : il ne faut plus demander de “lecture expressive” aux “apprenants”. Autrement dit, ne plus les faire lire à haute voix mais juste leur demander des lectures silencieuses de petits passages du texte.  
Là, j’ai baissé les bras. Enseigner sans expliquer (c’est pourtant ce que je faisais le mieux), sans faire de grammaire et encore moins d’orthographe, sans poser de questions aux élèves et sans les faire lire…
Quelles prérogatives me restait-il ? J’ai pris un congé de maladie, puis j’ai demandé ma retraite anticipée. Mais sans regret... Il n’y a plus d’école”.



M. H.
musthammouche@yahoo.fr
 

 

Le Quotidien Liberté du Jeudi, 04 Avril 2013
 



06/04/2013
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