U P E W Alger

Quand on aime, on ne compte pas Monsieur le ministre!




Monsieur Ahmed Tessa,
conseiller ou pédagogue de Monsieur Benbouzid (?),
 interpelle...


Nous avons repris cet article paru dans le quotidien Liberté du dimanche 07 mars 2010 pour la problématique qu'il pose:

"Quand on aime, on ne compte pas", disait le poète. Et au comptable de lui répondre : "Certes, mais il est conseillé d'évaluer à l'avance la somme à débourser". Ce dialogue entre le rêveur, habité par un idéal noble, et le pragmatique, soucieux de prévenir l'irréparable, nous amène à aborder quelques dimensions qui caractérisent l'acte d'éduquer au sens institutionnel du terme, à savoir l'éducation formelle (la scolaire). Ces deux affirmations mises bout à bout nous donneraient la formule imparable : "L'éducation n'a pas de prix (selon l'idéaliste) mais elle a des coûts (un coût global, selon le réalisme comptable)". Le rêve serait-il inaccessible pour cause de mauvais payeurs ? En effet, l'amour que les éducateurs portent à leurs élèves et/ou enfants ne les dédouane pas des sacrifices inévitables à consentir tout au long de leur éducation. Ce sont ces sacrifices qui doivent être assimilés aux fameux coûts à débourser pour transformer le rêve en réalité. Ils sont d'ordre pédagogique, culturel, financier et surtout moral.

Le coût pédagogique
À l'instar de toutes les autres catégories de travailleurs, les professionnels de l'Éducation ont à évoluer tout au long de leur carrière et ce, en s'adaptant tant bien que mal à des changements pas souvent acceptés de plein gré. Afin de coller de près aux progrès permanents de la pédagogie universelle, ils sont dans l'obligation de se défaire de ce confort qu'est la routine professionnelle. L'éducateur consciencieux accepte de fournir ces efforts d'adaptation. Il s'engagera à reformuler sa pratique de la classe et demandera à se recycler, se perfectionner, se documenter. Bien souvent, il aura à se déplacer sur le lieu de son perfectionnement, parfois loin de son domicile familial et, voire débourser de l'argent pour s'y rendre. Dans certains pays, les enseignants s'insurgent chaque fois que leur tutelle programme une annulation ou une réduction du volume horaire dévolu à leur formation continue. Ils perçoivent une telle décision comme une atteinte à leur dignité professionnelle et une remise en cause du droit de l'élève à un enseignement de qualité. En assumant ces sacrifices, il affiche une des qualités exigées par la profession : le dévouement à ses élèves, cet attribut majeur de la conscience professionnelle. Par ce comportement digne, il accomplit un devoir. En contrepartie, il peut revendiquer de sa tutelle qu'elle se mette au diapason de ces "sacrifices" afin d'alléger leurs poids, à savoir tout mettre en œuvre pour satisfaire ce besoin de perfectionnement. En théorie, toute réforme de l'école intègre la formation continue dans sa stratégie de mise en œuvre.

Le coût moral
Si l'unanimité peut s'afficher autour du coût pédagogique, voire financier ou culturel, il n'en ira pas de même pour le coût moral de l'éducation. Certes, ce coût est censé susciter une adhésion franche et unanime. En réalité, et malheureusement, sa seule évocation déclenche auprès de certains esprits des polémiques, stériles à bien des égards. Peut-on évaluer le coût à débourser sur le plan moral ? Qui doit en honorer la facture ? Les parents, à coup sûr et de façon naturelle, répondent présents. Ils tairont des envies personnelles, feront l'impasse sur des commodités souhaitées et iront jusqu'à se serrer la ceinture pour ne point perturber le bon déroulement de l'éducation de leur enfant.
Des sacrifices à mettre sur la liste des bons points à décerner aux parents qui s'acquittent de leur dette morale envers leur famille. Pour leur part, les éducateurs institutionnels, notamment les enseignants, agiront dans le même esprit de sacrifice quand ils sont habités par cette flamme qui éclaire leur carrière : la conscience professionnelle. Cette sorte de sacerdoce est incontournable dans toute entreprise éducative. Il est de tradition de dire que l'on rentre dans l'enseignement par vocation et par vocation seulement. Aimer ou ne pas aimer les enfants. Critère conditionnant de façon décisive le choix d'une orientation vers le métier d'enseignant, la vocation a pour pendant naturel la conscience professionnelle. Est-ce à dire que cette dernière est innée ? Pas toujours, elle peut aussi s'acquérir au cours de la formation initiale et continue. Pendant ces étapes-clés de sa carrière, des modules de morale professionnelle seront dispensés à l'enseignant.
Une morale professionnelle lui permet de connaître (et de comprendre) ses devoirs envers la société et ses élèves, en particulier. L'éducateur consciencieux a le souci de respecter l'éthique et la déontologie de ce métier, à nul autre pareil. Le plus beau métier au monde, disait notre M. Feraoun national. L'enseignant se fera un devoir d'offrir à ses élèves un climat de travail serein et leur éviter une déstabilisation de leur cursus scolaire. Dans ses doléances auprès de la tutelle, il montrera constance et pugnacité à exiger que soient offertes à ses élèves de bonnes conditions matérielles et pédagogiques. En toute situation, fut-elle critique, il affichera cette qualité première : le don de soi pour servir la cause des enfants dont il a la charge. C'est avec nostalgie que les anciens élèves se remémorent l'engagement désintéressé de leur maître d'école. Leur conscience professionnelle les faisait carburer en exigeant d'eux un comportement irréprochable dans et en dehors de l'établissement scolaire. C'était le temps – pas si lointain – où n'existaient pas encore ces tares qui de nos jours gangrènent la société et enlaidissent l'image idyllique de l'éducateur/enseignant. Cette période ne connaissait ni l'argent sale ni la politique de bas étage qui se sert des élèves comme bouclier, ou l'égoïsme corporatiste qui, à chaque accès de fièvre, prend en otage des innocents. Que faire pour que ce coût moral soit honoré — et bien honoré ? Il n'y a pas de solution miracle. La réponse ne peut se concevoir en dehors d'une prise de conscience individuelle chez chaque éducateur : l'enseignant, le responsable scolaire, le parent.
Chez l'éducateur comme chez le personnel de la santé publique, la conscience professionnelle se singularise par son autonomie par rapport à d'autres considérants. En effet, elle peut s'opposer à des engagements collectifs par le fait qu'elle sacralise la prééminence du devoir d'éthique – qui sauvegarde l'intérêt des élèves - sur le militantisme politique, syndical ou autre. Si un médecin ne peut, par conscience, ignorer un malade, l'éducateur consciencieux, lui, ne peut priver ses élèves du droit à l'instruction. Penser autrement revient à se dépouiller de l'aura d'un noble métier pour endosser des causes qui – fussent-elles légitiment – le (le métier) dénaturent. À moins de surfer sur la vague de la surenchère pour des desseins (cachés) qui n'ont rien à voir avec l'éducation des enfants.

Cet article a été écrit par Monsieur Ahmed Tessa.

Le président de l'Upewa.

S.  Amer-yahia





07/03/2010
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