U P E W Alger

La loi 12/06, cimetière des associations

  1. Réformes ou lois liberticides ? 

     

    Ce n’est pas de gaieté de cœur que l’on relève que la République s’en prend de nouveau à des associations, alors qu’elle rechigne à mettre fin au désordre de l’informel, à l’habitat précaire, à la violence, à la délinquance, au chômage … 
    Le dimanche 12 janvier 2014, 1er Yennayer 2964, à minuit la loi 12/06 est en application. Il y a du travail. Des milliers d’associations, locales et nationales, passeront à l’échafaud dressé par M. Ould Kablia ; l’exécution incombant à M. Belaiz.

     

    La date de mise en conformité est en vérité l’arbre qui cache la forêt. Ceux qui ne voient de caractère liberticide dans la loi 12/06 sur les associations qu’à travers l’interdit fait aux financements étrangers concernant les associations d’envergure nationale perdent de vue l’essentiel des enjeux. Cet aspect est, certes, important, dans la mesure où il permet  d’attirer le regard de l’opinion internationale sur une atteinte aux libertés dans un pays ménagé par les grandes puissances. Par contre,  cela peut aussi causer du tort à la culture de l’engagement citoyen dans le tissu associatif, force et sève de toute démocratie. Ce sont des dizaines de milliers d’associations locales menacées par ce texte et réduites à quémander les bonnes faveurs d’un homme souvent parvenu à la tête d’une APC par la fraude, la corruption, sans oublier le laissez-passer de l’administration de la wilaya pour l’autorisation de tenir une assemblée générale. 

    De plus, tout  est fait pour décourager  la citoyenneté et étouffer la société civile. La wilaya d’Alger, malgré ses 14 services des associations à travers ses démembrements dans les wilayas-délégués, décourage plus d’un ; cette bureaucratisation a étendu ses tentacules aux partis politiques. Elle accorde le droit de gestion des associations locales au président d’APC, lequel devient ainsi juge et partie. Rares sont les présidents d’APC qui rendent compte de leurs activités aux citoyens comme la loi l’exige ou les font assister aux délibérations. Ne parlons pas du coté policier des enquêtes et des interdits opposés aux objectifs de l’association au prétexte qu’il y a un Etat qui prend en charge les demandes sociales.
    Les associations locales se retrouvent ainsi écartelées entre l’administration de la wilaya, la circonscription administrative, le parti majoritaire dans la commune sans compter les renseignements généraux (RG), la gendarmerie et pourquoi pas le DRS. En somme, rien qui puisse inciter un citoyen à participer à l’éveil et l’entretien du civisme, de la solidarité, de l’auto-organisation….
    La nouvelle loi sur les associations est un interdit assumé. Par sa complexité, elle n’a rien d’incitatif, dressant des entraves transformant  toute initiative en parcours du combattant. 
    Les associations locales non clientélisables sont confrontées à l'arbitraire ou, en tout cas, à la suspicion de l’administration. Si les services de la wilaya détiennent le pouvoir d'autoriser ou non la tenue d'une assemblée générale, le dossier d'accréditation est soumis au bon vouloir du président d'APC. De par son appartenance partisane, ce dernier ne peut être neutre,  surtout s’il est du FLN ou du RND, qui squattent la majorité des municipalités.


    Cette loi liberticide n’est pas encore entrée en vigueur que déjà, dans la banlieue Est d’Alger, le président d’APC de la commune de Dar El Beida en anticipe la mise en œuvre. Il a incité ses nervis à faire signer des feuilles de présence d’assemblées générales fictives, dans la rue, pour fabriquer des associations de quartiers qui répondent aux attentes électoralistes du régime. Ce fut aussi l’occasion d’effectuer  des détournements de terres agricoles aux prétextes insidieux de construction de mosquée, de mises en conformité de constructions  illicites encouragées en sous main… alors que deux milliers de lycéens suivent leurs études en dehors de la commune, faute de pouvoir fréquenter un lycée qui attend  d’être réceptionné depuis deux ans ! 
    La complicité du système fait que l’on invente des réalisations comme ce bureau de poste au …Hamiz, pendant que les citoyens sont obligés de parcourir des dizaines de kilomètres pour un timbre, un colis ou un mandat. 
    A vouloir substituer des clans entretenus par la rente à l’administration publique, le sous-développement prolifère. 
    Le peu d’intérêt accordé par les parents d’élèves aux associations au sein des établissements scolaires a fondu avec les contraintes induites par de la loi 12/06 ; reformes, comble de cynisme, qui s’inscrivent dans le cadre des recommandations démocratiques « du programme du chef de l’Etat » mille fois annoncées et autant de fois reportées.

    Pourquoi imposer la présence d’un huissier quand des citoyens s’associent autour d’objectifs d’intérêts communs, pour le bien de la cité, de la société en mobilisant leurs moyens, leur temps et, si nécessaire, leur argent ? 
    Convoquer ou participer à l’assemblée générale de constitution ou de renouvellement de l’association de parents d’élèves est une  prérogative d’un chef d’établissement éducatif.  Le ministère de l’éducation le rappelle par circulaire à chaque rentrée scolaire. 
    Pourquoi, alors, l’intrusion d’un huissier ? Pourquoi l’accord ou l’avis du président d’APC, un représentant de parti ? Doit-on croire que les reformes de M. Bouteflika, quand elles sont mises en œuvre par ses anciens compagnons, n’ont d’objectif que d’imposer le retour du parti unique sachant que tout est fait pour que le FLN ait la majorité absolue tant aux APC, aux APW qu’à l’APN et donc dans le gouvernement ?

    Avec l’autre approche liberticide de la loi sur l’audiovisuelle, on ne peut que redouter les effets d’un verrouillage sociétal hors d’époque.

     

    Salah Amer-yahia
    Président-fondateur de l’Union des parents d’élèves de la Wilaya 
    d’Alger/UPEWA



12/01/2014
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